INTRODUCTION
La question du développement actuel des nouvelles
technologies, leur apport en ce qui concerne l’acquisition du savoir et le
déséquilibre d’accès qu’elle pose dans nos sociétés sont de nos jours les
préoccupations les plus récurrentes qui nourrissent toutes réflexions sur
l’importance des nouvelles technologies dans l’éducation. Le rôle des NTIC et
particulièrement d’Internet dans l’acquisition du savoir ne fait désormais aucun doute. Ce savoir avec Internet est devenu l’objet d’immenses
enjeux économiques, politiques et culturels, au point de pouvoir prétendre
qualifier les sociétés dont nous commençons à voir se préciser les contours. Ainsi,
avec Internet il semble que c’est tout un univers qui se trouve bouleversé. Il
suffit simplement de voir les transformations apportées par celui-ci dans les
sociétés développées pour se rendre compte de l’impact qu’il peut avoir sur le
mode de vie et l’identité même d’une société. Avec l’avènement du village
planétaire cette réalité, loin de ne toucher que les sociétés des pays du nord
est devenue un enjeu planétaire. L’Afrique qui semble être le dernier continent
à pénétrer dans cet univers n’est pas en marge de cette réalité. Si l’on
s’accorde sur la pertinence de cet enjeu, des questions essentielles pour le
continent restent posées :
Quel est l’impact réel
d’internet sur les sociétés africaines et sur l’acquisition du savoir? Et
que faire, face aux déséquilibres qui marquent l’accès au savoir et aux
obstacles qui s’y opposent, à l’échelle locale comme à l’échelle globale ?
Ce sont autant de questions que notre travail essayera
d’apporter des éléments de réponse, tout en présentant à la base une
clarification conceptuelle des termes essentiels d’Internet, de culture et de
société de savoir, qui constituent l’architecture de notre sujet de réflexion.
I. APPROCHE DEFINITIONNELLE
CULTURE : Nous
retiendrons juste dans le cadre de ce travaille une conception ethnologique de
la culture que nous partageons d’ailleurs avec l’ethnologue britannique E. B.
Taylor qui avançait en 1871 que « La
culture […] est cet ensemble complexe qui inclut la connaissance, la croyance,
l’art, la morale, le droit, la coutume et toutes autres capacités et habitudes
acquises par l’homme en tant que membre de la société »[1] . Dans cette optique, le champ culturel
embrasse pratiquement tout ce qui fait de l’individu un être social.
INTERNET :
c’est un système
mondial d'interconnexion de réseaux informatiques, utilisant un ensemble
standardisé de protocoles de transfert de données. C'est donc un réseau de
réseaux, sans centre névralgique, composé de millions de réseaux aussi bien
publics, privés, universitaires, commerciaux que gouvernementaux. Internet
transporte un large spectre d'informations et permet l'élaboration
d'applications et de services variés comme le courrier électronique, la
messagerie instantanée et le World Wide Web. Internet ayant été popularisé par
l'apparition du World Wide Web, les deux sont parfois confondus par le public
non averti. Le World Wide Web n'est pourtant que l'une des applications
d'Internet.
SOCIETES
DE SAVOIR : la notion de sociétés du savoir inclut
des dimensions sociales, éthiques et politiques bien plus vastes. Le pluriel
ici n’est évidemment pas un hasard: il vient récuser l’unicité d’un modèle qui
serait fourni « clés en main » et qui refléterait insuffisamment la diversité
culturelle et linguistique, seule à même de permettre à tout un chacun de se
reconnaître dans les évolutions en cours. Il y a toujours différentes formes de
savoir et de culture qui entrent dans la construction de toute société, y
compris celles qui sont fortement influencées par le progrès scientifique et
technique moderne. On ne saurait admettre que la révolution des technologies de
l’information et de la communication puisse conduire, par un déterminisme
technologique étroit et fataliste, à n’envisager qu’une seule forme de société
possible.
La « Société de la connaissance » (ou du
savoir) dessine de ce fait, une vision plus humaine dans laquelle les TICs sont
au service du développement culturel et permettent de nouvelles formes
d'organisation sociale et de communication ainsi que le partage et la
co-production des savoirs et des connaissances.
Elle
doit être humaine, répondre aux aspirations des hommes, permettre plus de
justice, de solidarité, de démocratie, de paix. Ce sont les enjeux humains,
sociaux, culturels, politiques qu’il faut prendre en compte pour une société du
savoir. La société du savoir
s’intéresse aux contenus plutôt qu’à la connectivité, à l’usage du savoir plutôt qu’à son stockage.
II. INTERNET ET CULTURE AFRICAINE
II.1. Les menaces d’internet pour la culture
Une conception ethnologique de la culture nous
permet de mesurer et d’appréhender les
enjeux réels de la cyberculture
puisque la culture définit en quelque sorte l’identité de l’individu d’où un
intérêt pour chaque peuple à conserver et à promouvoir ses valeurs culturelles. L’Afrique plus que tout autre continent a besoin de
retrouver, de restaurer et de
promouvoir sa culture longtemps
bafouée par des siècles d’esclavage suivis de la colonisation. Mais avec l’ère
de la mondialisation et surtout celui du « village global » que proposent
les NTICs en particulier Internet, de nombreuses questions restent posées quand
au devenir de cette culture.
Ainsi, ouvrir l’Afrique à l’internet est perçu comme
une ouverture à une nouvelle colonisation : les TIC, l’internet en
particulier, constituent un vecteur de domination à la fois culturel et
économique et elles suscitent la crainte d’une occupation d’un genre nouveau en
Afrique, dans la mesure où l’approche marchande de la mondialisation est
fortement influencée par la culture et les pratiques commerciales occidentales
à fort soubassement capitaliste. Ce nouveau paradigme du partenariat d’échange
nécessite pour l’Afrique une adaptation à la nouvelle culture économique qui
passe par une plus grande ouverture de l’Afrique au reste du monde.
Par ailleurs
il existe un lobby en faveur d’une politique africaine des Etats-Unis. Elle est
sociale et culturelle. Mais dans un pays où on laisse à la libre entreprise le
rôle d’assurer le développement des NTIC, elle ne peut se définir que comme une
nouvelle avancée de l’économie de marché, avec à la clef, l’abolition ou
l’absorption des frontières idéologiques et culturelles, l’uniformisation
des comportements et des idées. Ainsi que le souligne Nelson THALL, disciple de
Marshal MacLUHAN, le projet inavouable de l’Internet est d’amener le monde
entier à penser et à écrire comme les Nord-américains. C’est-à-dire une
globalisation de l’ « Américan way of life » qui s’érigerait en
modèle culturel. Il ne s’agit dès lors plus d’intégration mais d’assimilation
culturelle.
Une
perversion de la jeunesse : risque de libertinage pour la jeunesse qui est
à la recherche de modèles sociaux se ruent sur internet qui sans le
vouloir est souvent un réseau de plusieurs réalités (prostitués, pédophiles, terroristes
et autres idéologies sectaires) absentes dans la culture africaine qui elle est
conduite par des tabous.
Un
constat de la disparition de l’oralité culturelle qui favorisait une certaine
solidarité, proximité et fraternité au profit d’hypertexte à distance. Les
personnes qui autrefois se rencontraient pour des échanges s’envoient
simplement des messages qui bien souvent ne reflètent en rien la sensation
émotionnelle que revêt une présence humaine fraternelle.
La
démocratisation de l’ordre socioculturel et perte de la gérontocratie :
Avec l’Internet la transmission verticale du savoir tend à disparaître en
Afrique. Autrefois les connaissances se transmettaient de père en fils, avec
l’Internet la transmission des connaissances devient transversale. Les jeunes
ont la possibilité de voyager sans quitter leur pays. L’Internet nous fait
visiter le monde, découvrir des paysages et d’autres contrées qui n’existaient
que dans l’imaginaire et les récits des anciens aux soirs de veillée.
Le
réflexe du jeune écolier aujourd’hui, n’est plus d’interroger grand-père pour
répondre à des enquêtes sur l’histoire de sa ville. Il pense d’abord à
interroger son ordinateur. Grand-père si savant, si puissant qu’il soit, n’est
consulté que pour de brefs compléments de l’information livrée par le serveur.
Il y a donc lieu de se demander si en perdant son savoir, grand-père ne
perd-il pas en même temps son pouvoir
qui lui a valu tout le respect de la communauté ?
II.2. Internet: un vecteur de la promotion de la culture africaine
Ils
sont nombreux ceux qui voient en l’internet un puissant outil à partir duquel
une culture est susceptible de dominer, ou tout au moins d’influencer d’autres
cultures. La peur la plus évidente se situe du côté de ceux des Africains qui
pensent que l’internet viendra bousculer et même faire disparaitre leur propre
culture. Une telle vision renvoie à une perception négative de l’outil
internet. Parfois, on donne à cet outil la force qu’il n’a pas. Certes internet
est puissant et même très puissant en terme de véhicule d’informations. Son caractère
instantané et démocratique (tout le monde peut lire et introduire une
information à internet) ajoute quelque chose à sa puissance.
Cependant,
nous ne saurons oublier qu’en lui-même, l’internet n’est pas un outil qui
favorise l’impérialisme culturel. Tout dépend donc plus de l’attitude de celui
qui utilise l’internet. C’est à lui d’être sélectif, de savoir ce qu’il y met
et ce qu’il y retire. Les nombreuses informations qu’on trouve dans l’internet
commandent que nous sachions faire des choix. Jean Claude Guedeon souligne
d’ailleurs fort à propos que :
« Internet,
rappelons-le une fois de plus, ne crée rien par lui-même. Porteur d’une
nouvelle donne, il conduit les granularités humaines à se reconstituer au
détour de courses, de concurrences, mais aussi de nouvelles formes de
collaboration qui vont traverser pays, institutions et comportements individuels »[2].
En laissant
donc passer nos peurs parfois non fondées, l’internet bien utilisé peut se révéler
un merveilleux vecteur de promotion de la culture africaine. Ce medium, bien
que polymorphe, n’est au demeurant rien d’autre qu’un médium que nous pouvons exploiter
de manière à contribuer à faire connaître efficacement de par le monde la
culture africaine. L’essentiel réside véritablement sur l’acquisition des
savoirs et techniques pouvant permettre de capitaliser au bénéfice de la
culture africaine l’usage de ce puissant medium. Nous devons nous faire à l’idée
selon laquelle, l’internet n’est pas porteur d’acculturation si nous le
comprenons dans son sens primaire d’outil et de réseau.
L’internet
se dévoile ainsi comme une chance pour la culture africaine de s’exposer et de
se vendre en un seul clic à travers le monde entier en brisant les barrières du
temps et de l’espace. L’internet donne plus de visibilité à la culture
africaine en mettant à la portée de tous les richesses de notre continent. Il
revient à toutes les entreprises culturelles africaines, grandes ou petites, de
se mettre à l’heure de l’internet en créant des sites web capables de faire la
promotion de leur image. Cela est possible car des exemples en ce sens
abondent. Nous pouvons parler du musée national gabonais qui présente
magnifiquement les œuvres culturelles de ce pays de l’Afrique centrale. Un
autre exemple nous vient du Sénégal, un pays d’Afrique de l’ouest :
« Le site taf taf http://www.tataftaf.com Ce site Web
initié par un couple d’expatriés français installés au Sénégal, présente 300
produits artisanaux sénégalais sur la toile et constitue un lieu d’échange
culturel qui propose à la fois des bijoux ; des vases, des tableaux d’art,
des modèles de couture qu’il est possible de commander en ligne. Le portail
refuse de n’être qu’un catalogue d’artiste et affiche selon les initiateurs la
volonté de pourvoir une juste rémunération du travail de leur contractant avec
des prix fixés au départ et d’accord parti, mais également un préfinancement
des matériaux nécessaires à la fabrication des articles. La livraison des
produits commandés en ligne est assurée par DHL. Les initiateurs du site sont
souvent invités à des foires et des rencontres internationales pour présenter
leur trouvaille »[3].
Cet exemple sénégalais, fruit d’un
couple d’occidentaux, montre avec raison que le problème fondamental c’est que
si la promotion de la culture africaine n’est pas faite correctement, la faute
ne revient pas à l’internet mais prioritairement aux Africains qui laissent là
l’opportunité de tirer un grand profit de ce puissant outil de communication.
II.3. Internet et interculturalité
La culture d’un peuple, si elle
prend du temps pour se constituer, mérite tout aussi bien d’être préservée.
Surtout qu’elle est ressentie comme l’âme ou l’identité d’hommes et de femmes
appartenant à un groupe humain donné. Pour cela la culture est un bien précieux.
Cependant force est de relever que
la culture n’est pas une donnée fixe, immobile et sacrée de telle sorte que
nous devrions tout faire pour la garder pure comme des pièces de musée. C’est
vrai que comme élément identitaire, la culture entre dans la composition de ce
qui fait qu’un groupe humain donné soit différent des autres groupes humains.
Et cette différence participe à enrichir l’humanité car elle est l’expression même
du génie humain et de l’adaptabilité de l’homme aux problèmes posés par le
milieu naturel dans lequel il vit.
Toutefois, bien que capable de
donner des réponses aux problèmes vécus par un peuple particulier, la culture
doit entrer en solidarité avec les autres cultures. D’ailleurs, quoiqu’on dise,
la culture ne s’est jamais présentée malgré les apparences, en une sorte de
bulle imperméable qui ne laisserait rien filtrer. La culture s’enrichit en
entrant en rapport et en dialogue constant avec le meilleur des autres
cultures. C’est précisément ce dialogue interculturel qui constitue la réussite
des hommes d’aujourd’hui à s’adapter facilement à leur environnement.
Plus que par le passé, le monde est défini
comme un village planétaire. Les brassages culturels sont multiples avec les
moyens de communication modernes qui ont fini par raccourcir incroyablement
toutes les distances qui séparent les humains. On peut aujourd’hui se réveiller
à Yaoundé, prendre son repas de midi à Lagos et passer la nuit à Paris !
Sans l’interculturalité, cet élan à connaître
ou à découvrir l’autre, la vie deviendrait un réel calvaire.
L’internet, avec sa capacité bibliothécaire, peut faciliter
l’interculturalité dans le sens où les cultures les plus lointaines peuvent être
visitées à partir de notre écran d’ordinateur. De cette manière, avec des
images, des photos ou de la littérature, on pourrait arriver à un niveau de
connaissance des autres cultures qui nous permette de briser des difficultés
culturelles, d’abolir notre peur de l’autre. Ainsi l’internet nous pousserait à
l’ouverture au monde car se diriger vers l’autre culture ne se fera plus comme
un saut vers l’inconnu avec tout ce que cela comporte comme préjugés.
L’internet peut jouer un rôle de
pont entre les cultures qui se retrouvent ainsi dans la toile, prêtes à être
consultées par tous. Avec l’internet, on peut facilement échanger les idées et
les préoccupations avec des personnes d’ailleurs.
Les blogs, les sites de rencontre mais surtout les liens sociaux attirent ainsi
des individus d’horizons divers, tissant des liens entre eux. C’est vrai qu’il
s’agit là le plus souvent des liens virtuels ; il faut tout de même le reconnaitre,
parfois ces liens virtuels débouchent sur des rapprochements culturels et
physiques qu’on n’aurait jamais pu avoir autrement.
Avec la mondialisation ou la
globalisation, nous ne pouvons plus vivre comme si notre culture était la seule
au monde qui vaille la peine. Il nous faut nous ouvrir à travers
l’interculturalité à d’autres expériences humaines créées par d’autres cultures
autres que la nôtre. L’internet peut nous aider à parvenir à cette ouverture
interculturelle. Toute culture aujourd’hui qui va prendre l’option dramatique
de s’enfermer sur elle-même, produit par ce fait les germes de sa propre
destruction et mort.
III.1. L’Afrique et la fracture numérique
Le chemin vers la fraternité
numérique ou solidarité numérique passe forcement par la résolution d’un
problème qui se pose comme une plaie béante dans le vaste monde de la
cybernétique : la fracture numérique. En effet, la fracture numérique est
cet écart qui se creuse entre les pays du Nord et les pays du Sud, entre les
nations pauvres et les nations riches, en ce qui concerne l’accès à
l’information, aux nouvelles technologies et le développement des TIC.
D'une
manière générale, le fossé numérique peut être défini comme une inégalité face
aux possibilités d'accéder et de contribuer à l'information, à la connaissance et aux
réseaux, ainsi que de bénéficier des capacités majeures de développement
offertes par les TIC. Ces éléments sont quelques-uns des
plus visibles du fossé numérique, qui se traduit en réalité par une combinaison
de facteurs socio-économiques plus vastes, en particulier l'insuffisance des
infrastructures, le coût élevé de l'accès, l'absence de formation adéquate, le
manque de création locale de contenus et la capacité inégale de tirer parti,
aux niveaux économique et social, d'activités à forte intensité d'information[4].
Point besoin de rappeler que dans la
course au numérique, l’Afrique avance à pas de tortue et fait figure de parent
pauvre. Ce qui l’éloigne de plus en plus du reste du monde. Les conséquences sont énormes et demandent une
réaction prompte et efficace. D’où l’urgence de mettre en place une solidarité
qui puisse prendre en remorque les pays ayant un retard dans le domaine du
numérique.
Gérard Berry indiquait que « tout
le monde le voit et le dit, notre civilisation est en train de devenir
numérique », mais que « les fondements de la locution
« monde numérique » restent largement ignorés du public ».
Et il ajoutait que « ce n'est pas étonnant
car l'information synthétique est encore pauvre dans ce domaine qui ne repose
pas sur des bases enseignées classiquement »[5].
L’Afrique est le
continent où beaucoup de personnes ignorent jusqu’à l’existence du monde
numérique ; particulièrement dans les campagnes où l’accès à l’électricité
est un parcours du combattant. Sans parler de l’ordinateur et de la connexion
internet. Que faut-il faire ?
III.2. Vers une fraternité numérique
Nous le savons
tous : le fossé numérique est causé aussi bien par des raisons économiques
que politiques. L’Afrique souffre cruellement du manque de moyens matériels et économiques.
Elle souffre encore plus des choix politiques de ses gouvernants qui ne
saisissent pas toujours dans quelle direction conduire leurs peuples pour un développement
durable. Même si la tâche semble difficile, il faut se dire que la solidarité numérique
peut apparaître comme une solution pouvant diminuer, voire effacer la fracture numérique.
Cette solidarité peut se faire à différents niveaux.
a) La « localisation » des ressources
Au lieu de se focaliser
uniquement dans la production de ses propres ressources, il serait encore mieux
de permettre que tous ceux qui le veulent et le peuvent aient la liberté
d’adapter les ressources déjà produites par d’autres. De cette manière,
« chaque communauté peut prendre en main la localisation/culturisation qui la
concerne, connaissant ses propres besoins et ses propres codes culturels mieux
que quiconque. Il y a donc, outre une plus grande liberté et un moindre impact
des retours économiques, une plus grande efficacité dans le processus, en jouant
sur la flexibilité naturelle des créations immatérielles pour les adapter à ses
besoins et à son génie propre. C'est aussi plus généralement ce que permettent
les « contenus libres », c'est-à-dire les ressources intellectuelles
– artistiques, éducatives, techniques ou scientifiques – laissées par leurs
créateurs en usage libre pour tous »[6].
Cette liberté d’adaptation des
ressources numériques produites par d’autres est une grande preuve de
solidarité. Elle permet aux moins nantis financièrement de s’en sortir mais
surtout de culturaliser l’outil
informatique en l’adaptant selon ses propres besoins. Cela facilite
l’intégration dans le monde numérique.
b) La coopération scientifique
La coopération
scientifique entre chercheurs du Sud et ceux du Nord peut stimuler la
solidarité numérique. En tant que science, l’informatique peut orienter la
recherche scientifique vers une approche des logiciels libres validés toutefois
par des pairs. Dans tous les domaines de la connaissance scientifique, la coopération
est pratiquée ; elle est au cœur même du fonctionnement de la recherche. Cependant,
ce qui très important ici c’est que cette coopération doit cesser de se faire
seulement entre chercheurs de pays riches qui bénéficient de moyens de
financement que les chercheurs des pays pauvres n’ont pas. Nous sommes d’accord avec Jean Pierre Archambault lorsqu’il écrit
que :
« La qualité des logiciels libres tient pour une
bonne part du débogage par des centaines de programmeurs disséminés sur la
planète. D'une manière générale, science et logiciel libres partagent la
possibilité d'examiner les travaux, de les modifier, de les approfondir, de les
contredire... Depuis Pythagore, qui interdisait à ses disciples de divulguer
théorèmes et démonstrations, les mathématiques sont libres. On voit donc mal
comment une coopération scientifique informatique internationale, Nord-Sud,
pourrait véritablement se développer dans un contexte où le code source est
fermé, donc inaccessible : une autre dimension de l'« accès »[7].
c) Logiciels et ressources libres
Il est aussi important que les
logiciels ainsi que la production des ressources pédagogiques soient libres. On
devra encourager les enseignants à auto-produire les ressources pédagogiques.
Nous pensons que :
« Les standards et les
formats de données doivent être ouverts. Trois raisons ont motivé cette
proposition : les coûts, le caractère opérationnel de la production
collaborative de contenus pédagogiques, et le fait que les modalités de
réalisation et les réponses du libre en terme de propriété intellectuelle sont
en phase avec la philosophie générale d'un projet de solidarité numérique,
partage, coopération, échange ».
En laissant les logiciels et les
ressources pédagogiques libres, les chercheurs participent ainsi à un élan de
solidarité en permettant aux autres de bénéficier des libertés dont ils ont
eux-mêmes bénéficié.
d) La baisse des coûts informatiques
L’internet
a un coût exorbitant qui l’est encore plus pour des populations pauvres.
L’accès au réseau n’est pas chose facile. C’est vrai que les logiciels libres
ont des versions gratuites téléchargeables mais pour que leur effet soit
ressenti véritablement, il faut que l’on se rende à l’évidence que :
« organisée au
niveau d'un pays, la diffusion d'un logiciel libre permet de le fournir gratuitement
à tous, avec des coûts de logistique de déploiement pour la collectivité mais
une économie de licences d'utilisation à n'en plus finir »[8]. Ce faible coût des logiciels libres et
gratuits lutte contre le fossé numérique. D’ailleurs, le pouvoir du logiciel
libre à jouer comme un puissant facteur capable de réguler l’industrie
informatique n’est plus à démontrer.
En effet, « le logiciel libre
et les standards ouverts, en tant que facteurs « naturels » de
diversité, concurrence et pluralisme, contribuent fortement à la baisse des
prix »[9].
III.3. L’université virtuelle: un exemple à promouvoir
De plus en plus de par le monde le secteur de
l’enseignement supérieur connaît une considérable mutation. On assiste au développement
de nouveaux types d’établissements universitaires qui commencent à rivaliser
avec les universités traditionnelles. Cette émergence de nouveaux centres d’études
supérieures couvre aussi bien l’enseignement à distance (cours par
correspondance et e-learning) que l’ensemble des domaines du savoir. On voit
alors naître les établissements telles que les universités virtuelles, les
universités en franchise et les universités d’entreprise. Tous ces centres répondent
de manière nouvelle et adaptée à la demande de savoir des nombreux étudiants
qui les fréquentent. Ce sont de vrais laboratoires où se crée et se transmet le
savoir : ils remplissent ainsi leur rôle universitaire.
L’université virtuelle a l’avantage de répandre et de
participer pleinement à la création de la société du savoir à plus d’un titre.
Elle abolit les distances que l’on rencontre dans une université
traditionnelle. En effet,
« l’élimination de la
barrière de la distance physique du fait de la révolution des technologies de
l’information et de la communication (TIC) signifie qu’il est possible pour des
institutions et intervenants étrangers de rivaliser avec des universités
locales et d’être en contact avec des étudiants, dans n’importe quel pays,
grâce à l’Internet ou par le biais des satellites de communication »[10].
C’est un réel espoir pour
les pays en développement de voir d’éminents professeurs enseigner des cours
qu’ils dispensent dans leurs propres universités aux étudiants du tiers monde, élargissant
de ce fait le cercle du savoir grâce à l’internet. Sans se leurrer, l’installation,
l’utilisation et la maintenance des logiciels et matériels de communication et
d’information pèsent lourdement sur les budgets des nations pauvres. Cependant,
« l’utilisation judicieuse des nouvelles technologies peut permettre de faire
des économies substantielles »[11]. C’est
ce qui s’est passé en Angleterre par exemple : « au Royaume-Uni, le
coût de la formation d’un diplômé d’un cours universitaire par correspondance
ne représente que le tiers de celui d’une université classique »[12].
En transformant les bibliothèques
traditionnelles en centres d’information numériques, on arrive par là à régler
de multiples problèmes parmi lesquels celui de la documentation. Les livres coûtent
énormément d’argent. Et comme ils sont rarement édités dans les pays en développement,
se les procurer devient très souvent un véritable parcours du combattant car il
faut passer des commandes à l’étranger, notamment en Occident. Les bibliothèques
numériques donnent un accès direct à l’information à tous les membres de la
communauté universitaire virtuelle.
Ces bibliothèques mettent
ainsi à la portée des étudiants et enseignants des pays en développement
l’opportunité de consulter des publications particulières à l’instar des revues
scientifiques spécialisées. On peut même
facilement développer des partenariats entre universités du sud et celles du
nord.
Pour profiter au mieux de
l’apport des nouvelles technologies dans le secteur de l’université, « le
corps enseignant doit avoir une vision claire de l’objectif des nouvelles
technologies et du moyen le plus efficace de les intégrer dans la conception et
l’exécution des programmes d’enseignement »[13].
Sans cela, ces technologies ne seront d’aucune utilité pour l’amélioration des
compétences des étudiants.
CONCLUSION
L’internet sans nul doute est aujourd’hui d’une
importance capitale sur le devenir de nos sociétés, et concomitamment sur celui de notre identité. Cela peut poser
des inquiétudes, mais il paraît clair que l’enjeu universel de faire du monde
un village planétaire passe par l’ouverture à cette nouveauté. Son impact sur
l’éducation est indéniable, il serait même juste aujourd’hui de parler avec
elle de révolution du savoir et plus encore de l’éducation entière. Toutefois,
pour faire de cette révolution une effectivité universelle il semble plus que
nécessaire de répondre à la fracture numérique perçue entre pays du nord et pays du sud. Il s’agit de
stimuler chez chacun une responsabilité commune, qui ne serait rien d’autre
qu’une véritable solidarité numérique. C’est cela le véritable enjeu que pose
notre monde contemporain surtout à l’ère de la globalisation qui souffle sur
celui-ci.
BIBLIOGRAPHIE
1. BANQUE
MONDIALE, Construire les sociétés du savoir. Nouveaux défis pour l’enseignement supérieur, Laval, PUL, 2003.
2. GUEDEON J. C., « Le cybermonde, ou comment franchir
le mur de l’individu » dans, Le français dans le monde, n° spécial,
juillet 1999.
3. MICHEL
E., « Le fossé numérique. L'Internet, facteur de
nouvelles inégalités ? » dans, Problèmes politiques et sociaux,
La Documentation
française, n° 861, août 2001.
4. MURRAY J. Primitive Culture: Researches into the
Development of Mythology, Philosophy, Religion, Language, Art and Custom,
London, 1971.
SITES WEB
2.
http://www.aedev.org/spip.php?article894
[1] MURRAY, J. Primitive
Culture: Researches into the Development of Mythology, Philosophy, Religion,
Language, Art and Custom, London, 1971,
p.1
[2] GUEDEON J. C., « Le cybermonde, ou comment franchir
le mur de l’individu » dans, Le français dans le monde, n° spécial,
juillet 1999, p.14
[3]
http://www.aedev.org/spip.php?article894
[4] MICHEL E., « Le fossé numérique. L'Internet, facteur de nouvelles
inégalités ? » dans, Problèmes politiques et sociaux, La Documentation
française, n° 861, août 2001,
p. 32.
[5] http://www.dsf-fsn.org/cms/documents/fr/pdf/jpa_solidarite_numerique.pdf
[6]
Idem
[7]
Idem
[8]
Idem
[9]
Idem
[10] BANQUE MONDIALE, Construire
les sociétés du savoir. Nouveaux défis pour
l’enseignement supérieur, Laval,
PUL, 2003, p.71.
[12] Idem
[13] Ibid., p.81.
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