mercredi 18 janvier 2012

LE DEVELOPPEMENT





  I.PRESENTATION DE L’AUTEUR
Le philosophe ebenezer Njoh- Mouellé est  né le 17 Septembre 1938 à, WOURI Bossoua, dans la région du Littoral au Cameroun. Spécialiste de henri Bergson, il a été étudiant  à la Sorbone et a eu comme professeur entre autre le renommé Vladimir JANKELEVITCH, qui a dirigé tous  ses travaux académiques, du diplôme d’Etude supérieur (DES) aux deux  thèses de doctorat, le 3ème cycle et le doctorat ancien régime.
Professeur à l’Université de Yaoundé , il a été pendant longtemps le chef de département de l   a philosophie de l’Ecole normale supérieure de Yaoundé où il a enseigné dès Octobre 1981, avant de ce voir confier de manière continue des responsabilités académiques et administratives au sein de l’Institut Universitaire nationale : Directeur des  études de l’Ecole normale supérieure (Octobre 168), Directeur de l’ENS, (Juillet 1972), secrétaire général de L’Université de Yaoundé (Aout 1973), Directeur de l’ENS(Juillet 1981) et j’en passe . A partir 1987, il a mené des activités  politique et fut nommé conseiller du président de la république pour les affaires culturelles et scientifiques. En 1997, il est élu député de l’Assemblée nationale où il a mené une expérience de parlementaire de 1997à2002, parallèlement avec  un autre mandat de quatre ans (1995-1999) en qualité de membre du Conseil Exécutif de l’UNESCO à Paris. Ce mandat se termine par une élection en 1999 aux fonctions de vice –président du conseil, pour le compte de l’Afrique. Il s’est rendu très rapidement célèbre par son premier livre de la médiocrité à l’excellence en 1970, où il analyse les phénomènes qui entravent le développement au Cameroun et les moyens d’y échapper à terme. La popularité de son œuvre auprès des milieux lettrés a valu à Noh-Mouelle de se voir proposé en 1990 une place de secrétariat général du rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais(RDPC). Ses pensées sont contenues de nombreux travaux des recherches, des livres, des conférences, des articles de journaux et de revues.
II. APPROCHE DEFINITIONNELLE DU CONCEPT DE DEVELOPPEMENT
Avant d’aborder le concept de développement chez Njoh – Mouellé, nous avons jugé mieux d’expliciter ce que l’on entend généralement par ce mot. En effet, le développement est un concept qui concerne tous les aspects possibles de la vie humaine, qu’il s’agisse de la politique, de l’économie, de la culture, de l’alimentation, du sport, de la  religion, etc. D’une part, c’est un concept dont l’idée exprime est périodiquement redéfinie selon le temps et les époques. D’autre part, sa définition qui diffère suivant les auteurs, s’avère nécessaire. C’est dans cette perspective que Christian Comeliau nous fait comprendre que « si la notion du développement interpelle par sa nouveauté historique, par le fait qu’elle parait bien constituer une préoccupation spécifique de l’époque que nous vivons, elle semble tellement évidente, pour ceux qui y recourent, qu’ils ne croient en fournir aucune définition précise »[1]
Toutefois, bien qu’il soit difficile d’accorder une définition précise au concept  du développement, nous allons donner quelques définitions des certains auteurs. Ainsi selon Odile CASTEL, « le développement est le processus par le quel un pays est capable de connaitre une croissance durable, autonome et convenablement répartie entre groupe sociaux et entre individu »[2]. Définissant le concept du développement dans une dimension sociale, F. Perroux dit que « c’est le fait que les hommes se nourrissent mieux, s’instruisent mieux, c’est donc l’évolution au cours de la quelle les besoins fondamentaux de l’homme sont progressivement satisfaits »[3]
Plus loin, si nous prenons le concept du développement dans son origine, il est définit par Odile CASTEL comme étant « un processus par le quel une société, a un moment de son histoire, s’organise pour une meilleure mobilisation et une meilleure utilisation des ressources et forces dont elle dispose, en vue d’atteindre un état jugé meilleure par elle-même conformément à ses aspirations et ses normes culturelles »[4]. Partant de ces définitions, le développement apparait non seulement comme une philosophie d’action mais aussi comme un objet stratégique sur un certain nombre d’idées fortes. Mais on ne saurait limiter le  développement au seul niveau matériel, et « le grossissement qualitatif de ce qui existe déjà »[5] .
De cette manière le développement devrait  chercher à fournir un type d’homme que le philosophe Njoh-Moeullé appelle « créateur, consommateur par nécessité et jamais par essence »[6]. Sur ce, nous passons à un examen de la crise du développement de l’homme.
III.EXAMEN DES CAUSES ET FACTEURS DE LA CRISE DU DEVELOPPEMENT DE L’HOMME
III.1. Discours de la philosophie du développement
Dans son ouvrage célèbre, De la médiocrité à l’excellence, Njoh-Mouellé développe longuement un propos sur la philosophie du développement. Celle-ci traverse son ouvrage de part en part. Ce qui fonde cette philosophie de  développement selon lui, c’est l’éthique de l’excellence. Dans la réflexion qu’il mène, notre philosophe établit une différence entre le développement matériel et le développement moral ou spirituel. Cette différence le conduira à distinguer le développement authentique du développement problématique : « le développement problématique qui appauvrit la substance humain, se vérifie à partir d’une critériologie principalement  constituée de statique généralement dépourvues des sens humain »[7] . Cela prouve que pour Njoh-Mouellé , les critères autres et indices (PNB ; PIB , taux de croissance , rapport mondial sur le développement …) utilisés par les organisations internationales , les économistes comme critères ou normes de référence pour évaluer le développement des populations d’un pays sont insuffisants et pas révélateurs pour traduire et avoir une perception du développement de l’homme . Pour cela il affirme : « c’est un point de vue superfificielle que celui qui se borner à juger du développement d’une société par l’aspect quantitatifs des réalisations matérielles qui y sont effectuées. Il faut encore regarder de près le rapport de l’homme à ces Réalisations. L’ignorance dont celui-ci preuve est la marque d’une misère plus grande encore »[8].
   Le développement tel que perçu par les économistes, financiers et autres experts n’est pas authentique et est très léger car il ne touche pas la question du développement dans sa profondeur. Cette approche est également « défectueuse parce qu’elle ne réfère pas l’économique à l’humain de telle sorte que le développement et le sous-développement puissent être évalués par rapport à ce repère éthique »[9]. Dépourvue de tout repère éthique et de toute référence humaine, le développement lu sous le prisme économique avec ses quantificateurs est vide. Il ne rend même pas visible l’horizon du développement authentique et réel. Le vrai développement est celui qui considère l’homme, qui le place au centre et qui a une signification pour celui-ci. Ses indices et ses grilles de perception sont donc d’un autre ordre. L’évaluation du développement moral et spirituel n’est possible qu’à partir des référentiels éthiques que sont par exemple, l « confiance » et « l’hospitalité »[10]. C’est pourquoi Lucien Ayissi peut conclure en affirmant qu’il est question d’un « développement dont l’homme est le bout de la chaine téléologique »[11].
    Il faut au vu de ce qui précède comprendre que la crise du développement humain est due à cette indissociabilité de l’être face à l’avoir. Ceci empêche l’homme d’affirmer la transcendance et la préséance de l’être sur l’avoir. Ainsi, on prend communément le développement comme une accumulation de biens matériels tout en ignorant que « tout enrichissement pris comme fin en soi est au bout du compte, un appauvrissement ; appauvrissement de l’être au profit de l’avoir, dilution de l’être dans l’avoir »[12].
    La conception courante du développement est aussi erronée car l’homme moderne pense que « pour se développer, il faut qu’il subordonne son être à la quête effrénée de l’avoir. Dans une telle conception du développement, l’homme perd alors de vue qu’en pérennant les biens matériels pour sa condition de possibilité ontologique, il aliène son être en le rivant à l’avoir »[13]. Cette conception du développement est lacunaire car contre-productive ; Un développement qui à l’avoir pour fin est hypothétique. Et pour l’illustrer, Njoh-Mouellé estime qu’on peut être démuni et diminué dans son être alors qu’on roule sur l’or. Avec cette conception, le moyen est pris pour la fin. Ce qui est dangereux, car l’avoir ne saurait être la norme du développement.
   Finalement, nous pouvons dire que le développement humain est en crise parce que la conception économique du développement ignore et fait abstraction de la référence éthique. Alors le sous-développement de l’homme est compris seulement à partir de sa paupérisation matérielle. C’est pourquoi Njoh-Mouellé martèle sr le fait que « le développement de l’homme est moins lié au matériel qu’aux facteurs éthiques »[14].
III.2- Analyses des causes de la crise du développement.
   Njoh-Mouellé n’indexe pas l’avoir comme agent et source du sous-développement humain. Il ne nous convie pas non plus à la pauvreté. Il veut nous mettre en garde en affirmant que « l’accumulation des biens matériels n’est pas une fin mais un moyen pour l’humanisation de l’homme »[15]. L’accumulation des biens matériels ne garantit pas le développement moral et spirituel de l’homme. En revanche l’avoir minimum assure l’épanouissement de celui-ci. Pour Njoh-Mouellé, l’homme accomplit et réalise son humanité s’il évite que l’enrichissement devienne l’occasion de l’appauvrissement de son être car : « ce qui importe dans tout processus d’enrichissement comme dans tout processus de transformation du monde c’est la réalisation du soi »[16]. C’est pourquoi il dénonce le monstre froid d’est la mondialisation. Elle opprime l’homme, l’écrase et le dépersonnalise. Pour y remédier, il faudrait en plus de sa teinture économique, lui donner une coloration humaine sinon l’humanité est sacrifiée au bénéfice de la rentabilité.
     Par ailleurs, nous pouvons dénoncer comme autre facteur de la crise du développement de l’homme « tout ce qui, comme la « misère subjective » et la « misère objective », fait peser une lourde hypothèque sur l’aspiration de l’homme à la liberté et à la créativité »[17]. La rupture dramatique que la fortune suscite entre mon moi actuel et ses aspirations légitimes est la première forme de misère. Cette forme est « la plus aiguë de la misère car elle fait le déchirement de l’aspiration jamais satisfaite ou imparfaitement satisfaite »[18] , dès lors que la tension de l’être à la dignité est étouffée par les nécessités de l’histoire ou aliénée par les attaques néfastes de la fortune.
   L’autre forme de misère qui a pour noms : « ignorance, superstition, analphabétisme »[19] est très évidente pour définir la crise du développement humain. C’est la misère des caverneux qui prennent des ombres pour des réalités. Njoh-Mouellé la considère comme la véritable misère parce qu’elle « maintient ou ravale l’homme à l’état de sous humanité par l’aliénation et le défaut de liberté qu’elle entraine »[20] . Bref, « la misère subjective et la misère objective représentent des limitations absolues à la libre expression de l’homme sous-développé »[21].
    En plus de ces deux formes des misères, Njoh-Mouellé identifie aussi la médiocrité comme facteur de la crise de l’homme. La médiocrité s’entend comme cette normalité confondante dans laquelle l’homme sous-développé vit, contraint qu’il est, sous la pression de la conformité sociale, de couler sa personnalité dans le moule uniformisateur d’un « on » tout à fait inauthentique, mais qui n’est pas moins déterminant par rapport au jugement et à l’agir de soi[22]. L’homme médiocre préfère fondre sa personnalité dans l’anonymat de la masse puisque celle-ci lui offre les privilèges que la société réserve à ceux qui par conformisme n’interrogent pas ses principes. Fondu et confondu dans la masse, l’homme médiocre ne distingue plus son moi individuel avec le moi collectif et ne discerne plus par son propre jugement le bien du mal, le vrai du faux, le beau du laid, le juste de l’injuste[23].  L’homme médiocre est incapable d’imprimer le sceau de sa personnalité sur le temps et l’histoire. « Son moi fondamental » se cache derrière le « moi conventionnel » car sa manière de penser et sa façon d’agir sont déterminées par la routine, le conformisme, le snobisme et la répétitivité. Il n’a plus ni personnalité ni identité.
    La médiocrité loin d’être un simple dédoublement est aussi et surtout une errance culturelle de cette dépersonnalisation de ceux dont l’identité est faussée, truquée, trafiquée et tronquée. C’est le cas de certains de nos intellectuels qui par complexe d’infériorité miment, imitent et singent le Blanc[24].
    Nous le voyons donc, tous ces facteurs que nous venons d’analyser sont la cause du sous-développement de l’homme. Pour y remédier, le philosophe nous propose et nous suggère l’éthique de l’excellence.
IV- CORRECTION DU SOUS-DEVELOPPEMENT DE L’HOMME
IV-1- La dialectique de l’être et de l’avoir
La modernité a détourné l’attention des hommes en leur faisant voir le sous-développement exclusivement en terme de privations. L’homme est ainsi défini par rapport à son avoir et non par rapport à l’être qui est pourtant son essence véritable. « Le véritable sous développement est celui de l’être en tant que tel. Un être sous-développé n’est pas un être qui n’a pas ceci, qui n’a pas cela, qui manque de ceci, qui est privé de cela…, un être sous-développé est d’abord un être en quelque sorte atrophié. ».[25] Etre atrophié c’est vivre dans l’ignorance, la superstition, la crainte des puissances terrifiante que l’on attribue à un univers déifié, la résignation qui voudrait que l’on se laisse faire par l’histoire au lieu de la faire. Le bonheur que l’on pense atteindre dans une société d’abondance n’est qu’un signe caractéristique de la médiocrité. Njoh-Mouellé ne veut surtout pas signifier que l’avoir que l’avoir n’a aucune importance dans l’entreprise d’épanouissement de l’homme, mais montrer que c’est de l’accessoire par rapport à l’essentiel qu’est l’être, car « ce n’est pas l’être qui doit être subordonné à l’avoir mais exactement le contraire »[26]. C’est ainsi que notre auteur assigne au développement une double fonction : « promouvoir l’excellence de l’homme en réduisant la médiocrité et fournir en permanence à l’excellence ainsi promue les conditions chaque fois nécessaires à sa réaffirmation »[27].
IV-2- Le maximum d’être homme ou l’excellence
            L’homme recherché par notre auteur, l’homme excellent ou l’homme de l’avenir, le seul que le développement doit consister à promouvoir, présente quelques caractéristiques principales qui sont : l’aptitude à la liberté, l’initiative créatrice, la responsabilité et l’activité incessante.
            Par liberté, Njoh-Mouellé entend l’affranchissement de l’homme des liens de l’esclavage qui lui viennent de la société dans laquelle il vit et de sa nature. La société en effet veut à tout instant maintenir ses membres dans une vision unique de l’existence. Par divers moyens, elle cherche à uniformiser les pensées et les actions des hommes, veillant à ce que personne ne fasse autrement. Il en est de même de notre nature, laquelle a tendance à nous maintenir dans des déterminations rigides et irréductibles, déterminations qui peuvent être d’ordre biologique, physiologique, psychologique ou, d’une manière générale, d’ordre culturel. L’homme excellent doit donc se donner pour tâche de se libérer de tout ce conditionnement pour se livrer à l’activité de transformation du réel encore appelée activité créatrice.
            La  créativité relève du domaine de l’art. « L’artiste est celui qui reste dans le mouvement créateur de la vie »[28] Par la sensibilité à la beauté des harmonies à créer, il enrichit l’intériorité d’une richesse que ne saurait lui procurer les biens matériels. L’art véritable est étroitement lié à la vie concrète. Il est régénération ou rénovation et brise le cercle de l’auto-répétition aliénatrice. La disponibilité au renouvellement est donc ou doit être la marque distinctive de l’homme au maximum d’être. C’est pourquoi, écrit notre auteur, « à la formation scientifique de l’homme de l’Afrique moderne, il faudra par conséquent associer une solide éducation artistique si on tient à éditer la fabrication de marionnettes et de robots humains »[29]. Le savoir proverbial qui est une fermeture sur soi et don l’Afrique est passée maître doit ainsi être remplacé par le savoir scientifique qui est créativité permanente, car «  la proverbialisassions de tout savoir est un danger pour le progrès et pour le développement »[30]. L’homme excellent, l’homme créateur, est un héros (tel le héros bergsonien), celui qui réveille la vie, un révolutionnaire. « C’est un homme résolument engagé dans le processus de la libération. Une double libération de soi-même et des autres »[31]. Par son action, il oriente l’histoire bien plus qu’il ne laisse orienter par elle. Ses initiatives novatrices engagent le sort de ses semblables ; pour cette raison, il est impératif qu’il réponde à deux exigences fondamentales : « l’exigence de responsabilité vis-à-vis de tous les humains et, corollairement, l’exigence de connaissance de ce qui est bien pour tous les humains »[32]. Les valeurs pratiques qu’il est appelé à créer doivent se donner comme modèles. Une forte lourde responsabilité pèse donc sur lui, car une moindre erreur de sa part pourrait être fatale pour ses tous et l’ignorance ou une connaissance approximative ne sauraient le caractériser.
            Contrairement à la mentalité sous-développée qui pense que le bonheur est un état définitivement constitué, Njoh-Mouellé montre que l’excellence est une quête permanente. «  L’excellence n’est excellence qu’aussi longtemps qu’elle se réaffirme tous les jours à travers ses œuvres. Il en est à peu près comme la foi dont parlent les évangiles. La foi n’est pas une chose qu’on acquiert une fois pour toute et qu’on pourrait conserver en sécurité dans un coffre quelconque. Elle se prouve de nouveau tous les jours à travers les œuvres. Cela est vrai de l’humanité de l’homme »[33]. L’homme au maximum d’être est donc dans une activité incessante. L’excellence ne saurait avoir un terme. Un homme excellent qui cessent de produit ou de créer sous prétexte qu’il atteint son objectif sombre automatiquement dans la médiocrité.
IV- 3- L’éducation
            En écrivant : « Un jour viendra où l’on n’aura plus qu’une pensée : l’éducation »[34], Nietzche démontrait par là qu’il avait bien compris que l’éducation est le véritable moteur du développement. Une société qui veut généraliser l’excellence doit former sa jeunesse à développer « le sens critique, le sens des responsabilités, le goût de la création artistique et l’amour de la liberté »[35]. L’éducation aura donc pour tâche de stimuler l’excellence en l’homme, car pour notre auteur, « tout homme est capable d’excellence »[36]. Il suffit juste de le placer dans des conditions tel qu’il se sente obligé de se surpasser. L’éducation dont il s’agit ici ne doit pas être comprise sous  «  l’unique forme de l’instruction ni dans la situation éducationnelle traditionnelle de maître-élève. C’est une éducation plus large, comportant une grande zone diffuse favorable dans laquelle baigne l’homme »[37].




[1] C.COMELIAU, Mythe et espoir du tiers-mondiste, Harmattan, paris, 1986, p.15
[2] O. CASTEL, cité par Mohamed Youssoufou Saliou, « L’Afrique  doit-elle avoir peut de la mondialisation » dans jeune Afrique Economique, n°275, du 16 au 29 Novembre, 1988, p.61
[3] Idem
[4] Idem
[5]Jean- Marie Albert, cité par Kabou Axelle, Et si l’Afrique refusait le développement ? Harmattan, paris, 1991, p.22
 Lucien ayissi, philosophe du développement et Ethique de l’excellence chez Njoh-Mouellé, dans, philosophes du Cameroun, Puy, Yaoundé, 2006, pp.79-105.
[6] Ebézére Njoh-Mouellé, de la médiocrité a l’excellence, clé, Yaounde, 1998, p.8
[7] Lucien ayissi, philosophe du développement et Ethique de l’excellence chez Njoh-Mouellé, dans, philosophes du Cameroun, Puy, Yaoundé, 2006, pp.79-105.

[8] Ebénézer Njoh-Mouellé, De la médiocrité à l’excellence. Essai sur la signification humaine du développement, suivie de Développement la richesse humaine, 2ème Edition, Mont-Cameroun, Yaoundé, 1988, p.20.
[9] Lucien Ayissi, op.cit., p.88.
[10] Ebénézer Njoh-Mouellé, op.cit., p.3.
[11] Lucien Ayissi, op.cit., p.88.
[12] Ebénézer Njoh-Mouellé, op.cit.,p.11.
[13] Lucien Ayissi, op.cit., p.89.
[14] Idem.
[15] Ebénézer Njoh-Mouellé, op.cit., p.12.
[16] Idem.
[17] Lucien Ayissi, op.cit., p.91.
[18] Ebénézer Njoh-Mouellé, op.cit., p.18.
[19] Ibid, p.19.
[20] Idem.
[21] Idem.
[22] Cf. Lucien Ayissi, op.cit., p.91.
[23] Cf. Ebénézer Njoh-Mouellé, op.cit., p.25.
[24] Cf. Ibid. p.23.
[25] Ibid. p. 69.
[26] Idem.
[27] Ibid. p.173.
[28] Ibid.  p.143.
[29] Ibid. p.151.
[30] Ebénézer Njoh Mouellé, Jalons II. L’africanisme aujourd’hui, éd. Clé, Yaoundé, 1975, p.51.
[31] Ebénézer Njoh Mouellé,op. cit., p.154.
[32] Ibid., p.159.
[33] Ibid., p.173
[34] Nietzsche cité par Njoh Mouellé, Ibid., p.165.
[35] Ibid., p.165.
[36] Ibid., p.167.
[37] Ibid., p.165.

jeudi 12 janvier 2012

L'EDUCATION NOUVELLES






INTRODUCTION

En voyant que l’éducation traditionnelle focalisait l’acte éducatif sur l’enseignant et le contenu, beaucoup de philosophes et pédagogues ont voulu ramer à contre courant pour proposer une approche autre de l’éducation. C’est ainsi que naîtra l’éducation nouvelle dont la méthode pédagogique ne sera pas loin de provoquer une véritable révolution copernicienne dans le monde éducatif. Une attention particulière sera portée sur l’élève qui devient le point focal autour duquel toute décision éducative tournera désormais. C’est donc ce mouvement qu’est l’éducation nouvelle, original dans ses approches et téméraire dans ses choix et visions, que nous allons exposer. Principalement, il s’agira pour nous de donner les fondements philosophiques de l’éducation nouvelle, d’en dégager la méthode et le rôle qu’elle assigne à l’enfant, pour préciser le sens qu’elle donne à l’activité. En plus, nous analyserons sa pédagogie et ferons une ouverture pour voir ce que l’Afrique peut tirer de ce système éducatif.  

1.      LES FONDEMENTS PHILOSOPHIQUES DE L’EDUCATION NOUVELLE
L’éducation nouvelle tire ses  fondements chez l’un des philosophes les plus marquants de l’histoire de l’éducation : Jean Jacques Rousseau. En effet, ce philosophe mettait l’enfant au centre de l’acte éducatif. Il trouvait que, l’enfant naissant bon, il fallait tout simplement le laisser développer ses potentialités sans rien lui forcer. De fait, notre philosophe demande que l’on éloigne le plus possible l’enfant, dès sa tendre enfance (5-12 ans), des livres afin que puissent s’étendre et se multiplier ses relations avec le monde, de façon à développer les sens, et à l’habituer à procéder, à partir des données sensibles, à des déductions qui lui sont propres. Point besoin donc que l’adulte prenne les commandes de l’éducation pour  submerger l’enfant avec des centres d’intérêts qui n’ont rien à voir avec ce que désire le petit enfant. Ce qui est le plus important, ce n’est pas tant ce que veut l’éducateur mais ce qui intéresse l’éduqué pour son épanouissement intégral.
Selon Rousseau, une bonne éducation est celle qui respecte la nature de l’enfant. Il recommande que l’enfant soit éduqué tout d’abord pour lui-même. Il s’agit de former un homme et non le rôle que cet homme pourra assumer dans la société. C’est la raison pour laquelle Emile « ne sera ni magistrat, ni soldat, ni prêtre ; il sera premièrement un homme : tout ce qu’un homme doit être, il saura l’être au besoin tout aussi bien que qui que ce soit ; et la fortune aura beau le faire changer de place, il sera toujours à la sienne[1] ».
Une autre idée fondamentale qui traverse l’éducation rousseauiste est ce penchant vers ce qui est pratique, manuel. La recherche d’un métier que notre philosophe préconise vers l’âge de 12-15 ans, démontre à souhait ce souci de la manipulation réelle qui éloigne un peu l’éducation d’un intellectualisme exagéré pour laisser de l’espace au manualisme. Toutefois, si Rousseau trouve nécessaire l’apprentissage d’un métier, ce n’est pas pour donner à l’éducation une visée économique. La raison de ce choix se trouve plutôt ailleurs : il pense que l’apprentissage est le meilleur moyen pour la socialisation de l’enfant.
Un autre philosophe qui a, de façon décisive, marqué l’éducation nouvelle est à n’en point douter John Dewey. Ce philosophe américain a aussi été pédagogue et psychologue de l’enfant. Il fonde l’éducation nouvelle sur « cette philosophie anglo-saxonne du primat de l’action (qui, avec) son « instrumentalisme » marque à côté du pragmatisme de James et de Schiller et du « pragmatisme » de Pierce l’une des directions essentielles[2] ». C’est donc tout à fait logiquement que Dewey pense que :
 les idées naissent pour guider et déterminer la marche de l’action, et ne sont que des « instruments intellectuels » nés des besoins de l’action et dont la valeur s’éprouve par la vérification expérimentale, c’est-à-dire encore au feu de l’action ; la connaissance est ainsi, en un double sens, « un produit de l’action », puisque celle-ci lui sert à la fois de stimulus et critérium : pas plus qu’elle ne naît d’elle-même, pas plus elle ne peut se prouver elle-même, par un processus mental ou cérébral…[3] 
Dewey met en avant le learning by doing comme une méthode éducative  qui consacre le faire dans une conception où les projets d’action émanent de l’intérêt de l’enfant, de manière à ce qu’il puisse s’enrichir, évoluer ou se former « dans et par le moyen de ses activités constructives[4] ». Pour lui, il est évident que le faire occupe le centre de l’activité éducative car, dit-il, « l’homme, lorsqu’il désire trouver quelque chose, doit faire quelque chose aux choses[5] ».
Nous nous devons de nous rappeler que, bien qu’il fasse adosser l’éducation nouvelle sur un pragmatisme pédagogique, il y a chez Dewey comme une sorte d’invitation à approfondir et à  généraliser le sens  de ce qu’il entend par activités manuelles et pratiques. En fait, même pour lui, l’action est loin d’être la finalité de l’éducation nouvelle ; elle en est le « terme intermédiaire » car :
C’est en fonction de (l’) idée, solidement fondée, croyons-nous, sur l’expérience pédagogique et sur l’observation des enfants et des hommes, et non d’un pragmatisme qui n’est qu’une vue discutable de l’esprit qu’il convient de montrer pourquoi, en quel sens et dans quelles limites l’école nouvelle veut et doit être une école active[6].

2.      METHODE DE L’EDUCATION NOUVELLE

Prosaïquement, l’éducation nouvelle est connue comme s’opposant ou se différenciant de l’éducation traditionnelle par sa méthode. Ce qui ressort le plus rapidement dans l’éducation nouvelle, c’est le fait que, bâtie généralement sur une pédagogie fonctionnelle, elle se démarque par l’activité des apprenants. Evidemment, l’on s’attend à ce que « l’élève de l’école nouvelle (soit) plus souvent actif et moins souvent passif ou réceptif que celui de l’école traditionnelle[7] ».
Ce supplément d’activité que l’on observe dans l’éducation nouvelle est sous-tendu par une philosophie éducative que Dewey a su résumer dans une formulation simple : learning by doing. L’élève est appelé à manipuler et à expérimenter soi-même ce qu’il apprend. Une approche éducative pareille crée radicalement une césure avec les méthodes traditionnelles d’éducation calquées fondamentalement sur une transmission magistrale du savoir.
Toutefois, il convient de relever avec force et insistance que la caractéristique essentielle qui trace la ligne de démarcation entre l’éducation nouvelle et l’éducation traditionnelle n’est pas l’activité de l’éduqué ou le fait qu’il apprenne en faisant. D’ailleurs, si l’on repose la démarcation des deux éducations (traditionnelle et nouvelle) uniquement sur l’activité de l’élève, il n’y aurait pas vraiment grand-chose qui puisse distinguer l’éducation nouvelle de l’éducation traditionnelle africaine. Dans l’éducation traditionnelle africaine, l’enfant apprenait par l’observation, le jeu et l’imitation de l’adulte. Le fils du forgeron par exemple, apprenait le métier de son père en observant celui-ci et en l’imitant dans sa forge. A quel niveau donc situer la différence ?
La méthode de l’éducation nouvelle a ceci de particulier qu’elle « veut partir des besoins, des tendances et des intérêts de l’enfant[8] ».  Et c’est à ce niveau-là que se situe la différence réelle, fondamentale. Cela permet ainsi à l’activité spontanée de l’enfant de gagner en valeur éducative parce que considérée désormais « comme la libre réalisation d’un « projet » conçu, exécuté en commun dans l’ordre pratique, dans l’ordre social ou dans l’ordre esthétique, qu’il s’agisse de doter l’école d’un jardin, d’étendre sa sollicitude sur des enfants déshérités, d’organiser une séance récréative, etc.[9] »
L’éducation nouvelle repose donc sur une méthode active où toute leçon est abordée comme une réponse aux problèmes réels et actuels de l’enfant. Cette méthode active peut se résumer selon les trois points suivants :
1.      La classe est conçue comme un lieu d’expériences pratiques pour l’enfant.
2.      La méthode active s’oppose à la méthode de l’enseignement dogmatique et de la leçon magistrale.
3.      La réalisation des conditions nécessaires pour que l’enfant soit vraiment participant, et non pas simplement assujetti par une contrainte mécanique à la tâche scolaire[10].


3.      L’ENFANT DANS L’EDUCATION NOUVELLE

Le rôle que joue l’enfant dans l’éducation nouvelle est central. C’est autour de lui que s’organise toute l’activité éducative. C’est d’ailleurs « à lui que revient l’initiative première, c’est à lui qu’il appartient de poser des questions, de découvrir, et de révéler à l’éducateur ses problèmes[11] ». il n’est donc plus permis à l’enseignant ici de donner des réponses toutes trouvées et toutes faites à l’enfant ; il est question de le laisser chercher par lui-même les solutions. L’enseignant est là pour l’aider à y parvenir. De cette manière, l’enfant cesse d’être cette tabula rasa, ce récipient qui ne contient rien et qui n’attend que d’être rempli par l’éducateur. L’enseignant pour sa part cesse d’être ce savant qui sait et dirige tout : il coopère désormais avec l’enfant dans la construction du savoir.
Les recherches que fait l’enfant par lui-même l’empêchent de s’installer paresseusement dans une attitude de receveur passif d’enseignements. Ces recherches au contraire, sont des exercices qui le développent physiquement et intellectuellement. Il s’agit prioritairement pour lui de faire des exercices par lui-même et non pas comme on pourrait le penser, de faire des exercices devant lui.
Aussi l’enseignant occupe-t-il un rôle secondaire dans l’éducation nouvelle : il n’est plus le personnage principal de l’éducation. Ce changement de rapport entre l’enfant et l’enseignant fait apparaitre l’école non plus comme un lieu « où l’on apprenait surtout en écoutant ou même en mémorisant un manuel…, (mais comme un lieu où) l’on apprend en travaillant, en chantant, en observant, en expérimentant soi-même, par un effort… aussi spontané que possible[12] ».
Nombre de théoriciens de l’éducation nouvelle, que ce soit Maria Montessori ou Pestalozzi, pour ne citer que ces deux là,  partagent le principe de l’activité propre de l’enfant dans son processus éducatif. Pour eux, c’est sur ce principe fondamental que réside la capacité d’éveil physique et de développement intellectuel de l’enfant. En effet, « le principe de l’activité propre – agir soi-même, et trouver soi-même – est le seul moyen de rendre les enfants capables de développement[13] », écrivait A. Descoeudres. Emboitant le pas dans la même direction, John Dewey avait fini par poser la préséance de l’activité des éduqués sur le savoir de l’enseignant. C’est pourquoi il donna une définition de l’école nouvelle en insistant en ces termes : «l’activité des élèves doit précéder… l’information donnée par le maître »[14]

4.      LE SENS DE L’ACTIVITE DANS L’EDUCATION NOUVELLE

 Voyons à présent le sens réservé à ce mot « activité » dans le domaine de l’éducation nouvelle. Nous constatons que le mot activité, en éducation nouvelle, s’enrichit et prend une connotation qui va au-delà de l’occupation. En fait,  le mot activité n’est pas compris ici dans « son sens limité et étroitement pragmatiste d’activité manuelle se rapportant à quelque objectif d’ordre pratique, mais dans son sens le plus large, qui s’oppose à toutes les formes de la réceptivité et enveloppe toutes celles de l’initiative mentale[15] ».
C’est dire que l’activité dans une école nouvelle ne se décline pas uniquement par le fait que l’on voit les enfants affairés telles les abeilles dans une ruche ou les fourmis dans une fourmilière. Il y a aussi activité même lorsque dans une salle de classe l’ambiance est sérieuse et studieuse. L’activité ne se limite aucunement pas à une simple apparence extérieure. Elle n’a pas à se confondre avec une simple animation de surface. « Il n’est pas suffisant, écrit Marc-André Bloch, que l’enfant, mis en confiance, prenne l’habitude de s’extérioriser, d’intervenir, de poser des questions, de s’offrir joyeusement pour répondre, ou même de faire valoir ses points de vue[16] » pour qu’on parle d’activité. Pour que cette animation devienne une activité à valeur éducative elle ne doit pas se limiter à une évaluation extrinsèque qui fait beaucoup de tort à la pédagogie nouvelle. Car une telle activité de surface n’est pas différente, du point de vue éducatif, à la docilité réceptive que l’on remarque à l’école traditionnelle[17].  
L’important n’est pas que l’enfant soit extérieurement actif. Ce qui importe « c’est que son activité jaillisse des besoins profonds de sa nature, au lieu d’être simplement déclenchée par les reflexes conditionnels de l’éducation, c’est qu’elle exprime, en vertu d’une poussée et avec une sorte de nécessité qui vient du dedans, les aspirations de son être le plus intime en quête des moyens de son propre développement »[18].  En ce sens, l’activité est comprise en éducation nouvelle comme la libération des énergies profondes de l’enfant qui, par la voix de l’intérêt, parviennent en un épanouissement qui se rend visible et se manifeste en créations originales. Sans cette conception de l’activité, l’éducation nouvelle n’est rien d’autre qu’un simple vernis incapable de stimuler la créativité dormante en l’enfant. C’est ce que dit Kerschensteiner lorsqu’il écrit que :
Il ne s’agit pas que l’enfant soit actif, mais qu’il soit actif par lui-même et qu’il soit actif par lui-même ne signifie pas seulement qu’il doit être lui-même actif mais que le principe de ce qui le contraint à l’activité doit être en lui-même et que cette contrainte doit émaner de lui-même, de ses propres intérêts, et traduire l’urgence avec laquelle ceux-ci réclament les moyens de leur satisfaction[19].
C’est une telle activité qui rejoint les impulsions, les tendances et les dispositions de l’enfant qui peut être qualifiée d’activité éducative ; c’est-à-dire joyeuse et féconde car une pareille activité répond forcement à un besoin de l’enfant. Il y a une distinction à faire entre une activité de ce type, fonctionnelle, et une activité d’effectuation. Ainsi, l’activité prend une triple dimension : motrice (expériences pratiques), verbale (pas d’enseignement dogmatique ni de leçon magistrale) et spirituelle (conditions nécessaires à la pleine participation de l’enfant). Ces trois dimensions de l’activité ne s’excluent pas mutuellement mais s’intègrent, s’impliquent et s’interpénètrent.


5.      LA PEDAGOGIE NOUVELLE ET LES PROGRAMMES SCOLAIRES

La pédagogie nouvelle se décline comme étant une pédagogie de l’intérêt ou une pédagogie de l’activité. Elle trouve son point de départ sur les intérêts spontanés de l’enfant. En ce sens, elle se distingue de la pédagogie de l’effort qui, « n’ayant cure des intérêts de l’enfant et choisissant toutes les matières et les problèmes d’enseignement en dehors de ces intérêts, (prétend) après coup les rendre intéressants »[20].
Au fond, en quoi consiste cette spontanéité des intérêts de l’enfant ? En somme, il s’agit des intérêts qui font qu’au niveau de la classe, le travail de l’enfant soit intimement et véritablement le sien propre et traduise mieux ses besoins. De cette manière, l’enfant travaille sur ce qui l’intéresse. De ce point de vue, les programmes scolaires sont montés ou construits en tenant compte des intérêts et besoins de l’enfant. C’est ce qui fait que nous pouvons dire que le choix des matières est correct seulement s’il se dégage une correspondance entre ces matières et les tendances ou dispositions de l’élève. En d’autres termes, il faut que le choix des matières réponde à ces dispositions ou tendances pour que le programme soit considéré comme bon. Nous pouvons donc dire que, en pédagogie nouvelle, les intérêts de l’enfant, non seulement préexistent aux programmes mais déterminent leur structure et conditionnent leur contenu.
Il importe de signaler que, d’une manière générale, on distingue trois positions en éducation nouvelle, concernant la nécessité ou non des programmes. La première position, plus radicale, demande purement l’exclusion des programmes au sein de l’école nouvelle. Il n’y a même pas de place ici pour un plan d’études : tout doit se passer selon les tendances et dispositions de l’élève. La seconde position quant à elle, accepte avec résignation, mieux comme un mal nécessaire les programmes traditionnels. Toutefois, cette position recommande que ces programmes soient d’une façon qui soit adaptée à la psychologie de l’enfant et de manière attrayante. Enfin la troisième position trace une espèce de ligne médiane :
On ne croit pas pouvoir se passer de tout programme, mais on réclame avec d’autant plus d’énergie l’abolition de ces programmes « antédiluviens » … et leur remplacement par des programmes mis enfin en harmonie avec les besoins et possibilités de l’enfant et les enseignements de la psychologie génétique[21].
La pédagogie nouvelle n’admet pas de place pour la discipline autoritaire et policière. La seule discipline qui vaut est la discipline intérieure de l’élève. Une discipline qui bannit la contrainte et la peur du châtiment. On n’apprend pas non plus pour l’obtention d’un parchemin. Pas de course au diplôme ! Mais l’élève doit savoir ce qu’il fait et pourquoi il le fait ; là ou il va et pourquoi il y va. Pour cela, il faut une réelle adaptation à la psychologie générale des élèves et à leurs besoins.

6.      OUVERTURE : EDUCATION NOUVELLE ET L’AFRIQUE

Il n’est pas question pour nous dans cette partie de notre travail d’énoncer les limites et les difficultés que susciterait l’école nouvelle dans notre continent. Nous n’entendons pas non plus recenser les fortunes heureuses ou malheureuses qu’aient connu les écoles nouvelles en Afrique. Notre préoccupation consiste à voir ce que le continent noir peut tirer de l’éducation nouvelle comme humus capable de fertiliser son sol en vue d’un avenir meilleur.
L’éducation nouvelle, en tant qu’elle est centrée sur l’élève, ses besoins, ses intérêts  et ses tendances, peut aider les Africains à apprendre à se centrer sur eux-mêmes, pour opérer des choix d’avenir qui les intéressent vraiment. Aussi pourront-ils se donner à fond dans la réalisation de leur avenir en se focalisant sur des options et objectifs qu’ils se sont fixés eux-mêmes, en toute souveraineté et dans le but d’améliorer leurs conditions et qualité de vie. Ce n’est qu’en se centrant sur eux-mêmes qu’ils pourront discerner dans leurs traditions et cultures des éléments favorables à leur propre épanouissement.
En laissant à la touche le culte du diplôme, et partant la pression qui va avec à l’approche des examens, beaucoup de jeunes étudieront non plus pour le parchemin, mais pour être compétitifs et performants dans le domaine qu’ils ont délibérément choisi d’exceller. De plus, avec l’éducation nouvelle, il y a possibilité que les systèmes éducatifs africains, dans leurs programmes et leurs plans d’études,  ne soient plus des modèles extravertis mais répondent aux besoins et intérêts du continent. On évitera ainsi de copier servilement ce font les autres ; on s’ouvrira à la créativité en apprenant à faire des choses par nous-mêmes et pour nous-mêmes : des choses qui nous ressemblent et qui reflètent notre génie propre. Voilà qui nous aidera à être nous-mêmes, à revenir à la tradition africaine et laisser de côté l’intellectualisme à outrance. C’est à prix qu’il y aura syntonie entre l’école et la vie quotidienne. 


CONCLUSION

Au terme de ce travail, il ressort que les racines de l’éducation nouvelle remontent jusqu’au siècle des Lumières avec Jean Jacques Rousseau qui a pu donner à cette éducation ses fondements philosophiques les plus fortes. Ce sont ces fondements qui feront du philosophe pragmatiste John Dewey l’un des pédagogues les plus importants de l’éducation nouvelle. En effet, Dewey va mettre le learning by doing au centre de l’acte éducatif, consacrant par là l’activité comme un élément fondamental de l’éducation. Cependant, nous relevons que ce qui est le plus marquant dans cette éducation c’est l’inédite relation qu’elle instaure entre l’élève et l’enseignant. Pendant que le premier doit apprendre en agissant selon ses besoins, ses tendances et ses intérêts, le second n’est plus le possesseur absolu du savoir mais un guide qui facilite l’éclosion du talent et du génie de l’élève. C’est à ce titre que l’éducation nouvelle peut être bénéfique pour l’Afrique : un mouvement qui permet à ce continent de penser son avenir par lui-même, en fonction de besoins et de ses intérêts.  


BIBLIOGRAPHIE

1.      BLOCH M.-A., Philosophie de l’éducation nouvelle, Paris, PUF, 1973, 218p.
2.      Dewey J., Democracy and education. An introduction to the philosophy of education, New York, The Macmillan Company, 1930, 434p.

3.      Dewey J., L’école et l’enfant, New York, Delachaux & Niestlé, 1962, 174p.

4.      ROUSSEAU J.J., Emile ou de l’éducation, Paris, Flammarion, 1966, 643p.








[1] ROUSSEAU J.J., Emile ou de l’éducation, Paris, Flammarion, 1966, p.42.
[2]BLOCH M.-A., Philosophie de l’éducation nouvelle, Paris, PUF, 1973, p.38.
[3] Ibid., p.39.
[4] DEWEY J., L’école et l’enfant, New York, Delachaux & Niestlé, 1962, p.82.
[5] DEWEY J., Democracy and education. An introduction to the philosophy of education, New York, The Macmillan Company, 1930, p.323.
[6]BLOCH M.-A., op. cit., p.41.
[7] Idem.
[8] Idem.
[9] Ibid., p.42.
[10] Cf., Ibid., p.47.
[11] Ibid., p.42.
[12] Idem.
[13] Idem.
[14] Ibid., p.43.
[15] Ibid., p.43.
[16] Idem.
[17] Cf., Idem.
[18]Ibid., p.44.
[19] Idem.
[20]Ibid., p.50.
[21]Ibid., pp.57-58.